Qui, de Kiev ou de Moscou, est à blâmer ?
L’Ukraine semble de plus en plus coupable de la prolongation du conflit. Dès mardi matin, 10 heures à Paris, quand Gazprom a recommencé à remplir le gazoduc desservant ses clients du sud-est de l’Europe, le gaz aurait dû couler presque immédiatement vers ces pays. Pour que la pression dans les gazoducs reste équilibrée, lorsque Gazprom injecte du gaz à une extrémité du tuyau, la même quantité doit ressortir de l’autre côté, expliquent les experts russes. Selon Gazprom, la non-reprise des exportations établit bien la preuve que l’Ukraine «vole» le gaz et qu’elle avait «vidé» les gazoducs de transit.
Mais la Russie est loin d’être innocente. C’est elle qui, depuis des années, a fait de son gaz une arme, établissant ses prix à la tête du client, en fonction de leur loyauté politique. Jusqu’en décembre, Moscou faisait encore miroiter à l’Ukraine un prix privilégié autour de 200 dollars les 1 000 m3 en 2009, quand le prix mondial serait plutôt de 450 dollars. C’est aussi Moscou qui a coupé, le 7 janvier, toutes les livraisons transitant par l’Ukraine. Si la reprise du transit est aujourd’hui si difficile, c’est bien parce que la Russie l’avait totalement interrompu, obligeant l’Ukraine à recentrer son réseau sur l’approvisionnement national.
Que veut l’Ukraine ?
Ce n’est pas toujours clair, vue la féroce bataille politique qui se poursuit entre le président Viktor Iouchtchenko et sa Première ministre, Ioulia Timochenko. Dans l’immédiat, l’objectif de Kiev est de payer le gaz russe le moins cher possible. Très déstabilisée par la crise mondiale, l’économie ukrainienne ne pourrait pas supporter le doublement brutal des prix du gaz que Moscou veut maintenant lui imposer, plaident ses dirigeants. Mais l’objectif des deux chefs de l’exécutif ukrainien est aussi de se discréditer mutuellement, chacun accusant l’autre de «faire le jeu de Moscou» ou de se remplir les poches avec le gaz russe. Kiev cherche également à se poser en victime du colosse russe, pour attendrir l’Union européenne - sans grand succès jusqu’à présent.
Que veut la Russie ?
Vladimir Poutine cherche toujours sa revanche après la révolution ukrainienne de 2004 qui l’avait ridiculisé (il soutenait ouvertement le camp adverse) et dont sont issus Iouchtchenko et Timochenko. Ainsi, Moscou joue de son gaz pour aggraver encore le chaos politique ukrainien. Et le Kremlin laisse croire qu’il pourrait s’entendre beaucoup mieux avec Ioulia Timochenko qu’avec le président Iouchtchenko - argument à double tranchant pour Timochenko en Ukraine.
Moscou voudrait faire revenir l’Ukraine sous sa coupe, et briser ses velléités d’adhésion à l’Union européenne ou l’Otan. Pour la Russie, en pleine débâcle économique elle aussi, cette «guerre du gaz» tombe également à pic pour faire diversion des problèmes nationaux. Les télévisions russes, toutes sous contrôle de l’Etat, développent ce feuilleton du gaz jusqu’à la nausée.
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